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ANGÉLINE DE MONTBRUN

De retour au salon, elle me montra le portrait de sa mère, piquante brunette à qui elle ne ressemble pas du tout, et celui de son père, à qui elle ressemble tant. Ce dernier m’a paru admirablement peint. Mais depuis les causeries artistiques de M. Napoléon Bourassa, dans un portrait, je n’ose plus juger que la ressemblance. Celle-ci est merveilleuse.

— Je l’ai fait peindre pour toi, ma fille, dit M. de Montbrun ; et s’adressant à moi : N’est-ce pas qu’elle sera sans excuse si elle m’oublie jamais ?

Ma chère, je fis une réponse si horriblement enveloppée et maladroite, qu’Angéline éclata de rire, et bien qu’elle ait les dents si belles, je n’aime pas à la voir rire quand c’est à mes dépens.

Tu ne saurais croire combien je suis humilié de cet embarras de paroles qui m’est si ordinaire auprès d’elle, et si étranger ailleurs.

Elle me pria de chanter, et j’en fus ravi. Crois-moi, ma petite sœur, on ne parlait pas dans le paradis terrestre. Non, aux jours de l’innocence, de l’amour et du bonheur, l’homme ne parlait pas, il chantait.