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C’est donc vrai, j’ai vu l’amour s’éteindre dans son cœur. Mon Dieu, qu’il est horrible de se savoir repoussante, de n’avoir plus rien à attendre de la vie.

Je pense parfois à cette jeune fille livrée au cancer dont parle de Maistre. Elle disait : « Je ne suis pas aussi malheureuse que vous le croyez : Dieu me fait la grâce de ne penser qu’à lui. »

Ces admirables sentiments ne sont pas pour moi. Mais, mon Dieu, vous êtes tout-puissant, gardez-moi du désespoir, ce crime des âmes lâches. Ô Seigneur ! que vous m’avez rudement traitée ! que je me sens faible ! que je me sens triste ! Parfois, je crains pour ma raison. Je dors si peu, et d’ailleurs, il faudrait le sommeil de la terre pour me faire oublier.

La nuit après mon arrivée, quand je crus tout le monde endormi, je me levai. Je pris ma lampe, et bien doucement je descendis à son cabinet. Là, je mis la lumière devant son portrait et je l’appelai.

J’étais étrangement surexcitée. J’étouffais de pleurs, je suffoquais de souvenirs, et, dans une sorte d’égarement, dans une folie