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ANGÉLINE DE MONTBRUN

tristesse. Cet isolement que j’ai voulu, que je veux encore, comment le supporter ?

Sans doute, lorsqu’on souffre, rien n’est pénible comme le contact des indifférents. Mais Maurice, comment vivre sans le voir, sans l’entendre jamais, jamais !… l’accablante pensée !… C’est la nuit, c’est le froid, c’est la mort.

Ici où j’ai vécu d’une vie idéale si intense, si confiante, il faut donc m’habituer à la plus terrible des solitudes, à la solitude du cœur.

Et pourtant, qu’il m’a aimée ! Il avait des mots vivants, souverains, que j’entends encore, que j’entendrai toujours.

Dans le bateau, à mesure que je m’éloignais de lui, que les flots se faisaient plus nombreux entre nous, les souvenirs me revenaient plus vifs. Je le revoyais comme je l’avais vu dans notre voyage funèbre. Oh ! qu’il l’a amèrement pleuré, qu’il a bien partagé ma douleur. Maintenant que j’ai rompu avec lui, je pense beaucoup à ce qui m’attache pour toujours. Tant d’efforts sur lui-même, tant de soins, une pitié si inexprimablement tendre !