je demande le chant du départ pour ce chevalier du Christ, qui s’en va chez les sauvages du Canada… avec l’espoir d’être brûlé à petit feu l’un de ces jours.
— Non, non, dit le missionnaire, répondant au regard de la jeune fille. N’ayez nulle crainte. Je n’aurai pas un sort si beau. Tout au plus, je mourrai de misère et de rhumatismes chez mes sauvages… Mais, en attendant, je serai charmé d’avoir le chant du départ — comme parle M. de Champlain.
Sans trop savoir ce qu’elle faisait, Gisèle se leva et se dirigea vers sa harpe.
L’aspect du P. de Brébeuf, les paroles de Champlain l’avaient émue. Son cœur battait avec force et tout en effleurant les cordes de l’instrument : Mon Dieu ! pensait-elle, que chanter ! que chanter à ce jésuite qui sera, peut-être, un martyr…
Et, malgré ce que la vie de missionnaire a d’horrible et d’incompréhensible à la nature, ce fut un chant de tendresse et de joie qui lui vint aux lèvres : Jesu dulcis memoria : « Le souvenir de Jésus est doux, il donne au cœur la vraie joie. »
La jeune fille chanta en entier l’hymne suave, bien des fois chantée à Port-Royal, et son émotion ne fit qu’ajouter au charme de sa voix céleste.