pense que vous réservez à vos martyrs ! Teints encore de leur sang, ils reçoivent la couronne de vie. »
— A-t-il été longtemps dans les tourments ? demanda-t-elle, après un silence.
— Il n’a point passé par les tourments.
— Ô Vierge immaculée, soyez bénie, murmura la carmélite…
Et souriant à travers ses pleurs : — Dites-moi tout ce que vous savez, mon Père.
Le religieux fit un effort pour maîtriser son émotion et répondit :
— Charles était seul à Saint-Jean ; son compagnon de mission[1] l’avait quitté depuis deux jours quand, vers le soir du mardi 7 décembre, les Iroquois envahirent tout à coup le village. Les guerriers étaient absents… partis pour aller rencontrer l’ennemi. Ce fut une boucherie épouvantable… des cruautés atroces… Charles aurait pu fuir comme bien d’autres, mais il refusa. La charité le retint… la vue d’une si horrible mort ne le fit pas reculer d’un pas ; il se sacrifia pour le salut de ses sauvages. Les Iroquois
- ↑ Le P. Chabanel n’arriva point à Saint-Joseph. Il périt dans le trajet, assassiné par un Huron apostat qui plus tard avoua l’avoir tué, « parce qu’il avait toujours été malheureux, disait-il, depuis qu’il avait embrassé la foi. »