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et ne manger que juste ce qu’il faut pour ne pas mourir tout à fait de faim, vivre dans ce taudis enfumé où tous les sens ont sans cesse leur tourment, toujours supporter les sauvages et leur horrible puanteur, être nuit et jour rongé par les poux…

Il se tut brusquement.

— Mon cher frère, répondit Charles Garnier avec une infinie douceur, c’est pour l’amour de Jésus-Christ que nous souffrons ces misères et tant d’autres.

— Aussi, jamais, je n’abandonnerai les missions, dit fermement le P. Chabanel. Mais je ne sais pas me vaincre… je souffre lâchement…

— Non… loin de là… répondit Charles Garnier, mais vous souffrez sans consolation… Dieu vous laisse en proie aux tristesses et aux révoltes de la nature.

Le P. Chabanel appuya le front sur ses mains décharnées et resta ainsi quelques instants. Mais bientôt, relevant la tête : — À la langue huronne, dit-il souriant.

Ce sourire résigné cachait un abîme de sensibilité souffrante, de regrets toujours vivants.

Charles Garnier serra la main de son confrère et allait commencer la leçon, mais un froid courant d’air l’avertit que la porte s’ouvrait.