Page:Conan - À l’oeuvre et à l’épreuve - 1893.djvu/153

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est aussi mon impression que je ne reviendrai jamais, dit-il, de sa voix douce et sérieuse. Mais qu’importe ?… Nous nous reverrons au ciel.

Il me remit mon livre, et tirant de sa poitrine un livret blanc[1] que son supérieur m’avait permis de lui donner en souvenir :

— Je l’emporterai partout, dit-il. Il regarda l’heure, et se leva en disant :

— Vous m’avez aidé à être religieux… à être missionnaire… les âmes que je vais sauver seront votre gloire dans l’éternité.

Il était fort pâle, mais tout rayonnant d’une céleste ardeur.

Pour moi, je ne trouvais plus la force dont j’avais besoin.

— Allons, Gisèle, il est temps, dit-il, avec je ne sais quelle autorité souveraine et fortifiante.

Je me levai… et incapable de prononcer une parole, je m’agenouillai devant lui : — Chère amie de mon enfance, sois bénie à jamais, dit-il. Et, appuyant la main sur ma tête, il pria quelques instants en silence. Puis, il me fit baiser son cru-

  1. En 1654, le P. Lemoine, missionnaire chez les Iroquois, trouva un livret de dévotion ayant appartenu au P. Garnier, entre les mains d’un de ces barbares qui l’avait dépouillé après sa mort. Il consentit à remettre cette précieuse relique au P. Lemoine : « J’en eus plus de joie, écrivait le Jésuite, que de la découverte d’une mine d’or. »