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Des années s’étaient écoulées depuis le jour déchirant et béni où, pour obéir à l’appel de Dieu, il avait abandonné sa famille ; mais tous les détails de la séparation lui revinrent, et son cœur se serra à la pensée que Dieu demandait à ses parents le sacrifice de leur dernier enfant.

Surmontant vite cette faiblesse, il ouvrit la grille et traversa la cour.

Une porte était grande ouverte. Le religieux entra sans avertir ; et, le cœur ému, se dirigea vers la pièce où sa mère avait coutume de se tenir.

Elle y était seule, assise devant sa table à ouvrage, la tête appuyée sur ses mains d’ordinaire si industrieuses et si actives.

Ses pensées l’absorbaient fortement, et le carme, dont les sandales faisaient bien peu de bruit sur le parquet, arriva à elle avant d’avoir été entendu. Ma mère ? dit-il.

Elle leva vivement la tête et, toute saisie de surprise et de joie, se jeta dans ses bras.

Mais la joie s’éteignit vite dans son cœur ; et, appuyant la tête sur l’épaule de son fils, elle mouilla son froc blanc de ses larmes, lui disant que la paix avait fui de la maison, que Gisèle était bien malade de chagrin, que l’obstination de Charles les mettait tous au désespoir.