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elles s’inquiétaient, elles redoutaient ce qu’elles allaient entendre ; le visage de leur grand’mère était solennel, préoccupé. Les événements publics, fort graves en ce moment, contribuaient peut-être à cette préoccupation. On était vers la fin du règne de Louis XIII, le cardinal vivait encore, il venait de sacrifier le duc de Montmorency et Chalais ; le supplice de Cinq-Mars se préparait dans l’avenir. Nul grand seigneur ne se sentait en sûreté.

Après le souper, auquel le chapelain assistait d’ordinaire, Isabelle remplit son office et prononça les grâces. On se leva, on passa dans le cabinet de la marquise, on ouvrit les portes du jardin pour laisser entrer les senteurs des plates-bandes et les derniers rayons du jour ; l’aïeule se plaça dans son fauteuil, près de la terrasse ; les jeunes filles s’agenouillèrent à ses côtés, leur cœur battait d’impatience.

— Dites à présent, madame, commença Béatrix.

— Embrassez-moi d’abord, mes filles chéries, mes anges, j’ai besoin de vous serrer dans mes bras.

— Bonne mère ! c’est donc bien terrible !

— Ce n’est pas terrible, mon enfant, c’est très-sérieux. Et puis… je suis si vieille !

— Vous, grand’mère ! vous êtes jeune et belle, vous vivrez cent ans, vos cheveux blancs vous siéent mieux que toutes nos boucles. Ne parlez pas ainsi.

— Il faut s’accoutumer à cette idée, il faut s’accoutumer à tout ici-bas, et puis, j’ai tant souffert ! Je me