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répondre. Bien entendu, il faut prendre des excitations qui sont à la limite de la non-réponse immédiate.

Même avec le muscle, on obtient encore cette addition latente, comme en témoignent de très beaux tracés myographiques, caractéristiques.

Ainsi les cellules nerveuses et les cellules musculaires ont conservé le souvenir de l’excitation première. Peu importe que cette mémoire élémentaire ne dure qu’une ou deux secondes. Cette trace qui persiste, fût-ce pendant un temps assez court, c’est un souvenir, donc une mémoire.

III. Il est un autre phénomène de mémoire organique qui dure beaucoup plus longtemps. Il paraît au premier abord assez différent de l’addition latente ; mais on doit admettre qu’il implique aussi une sorte de souvenir.

Il s’agit de l’anaphylaxie, ce phénomène assez singulier, aujourd’hui bien connu, et sur lequel il me paraît inutile d’insister.

Quand certains poisons ont été introduits dans un organisme, ils l’ont touché de telle sorte que, même au bout de plusieurs mois, voire de plusieurs années, l’organisme a été sensibilisé à ces poisons.

On peut comparer à l’anaphylaxie le phénomène inverse de la vaccination (phylaxie), jennérienne ou autre, qui rend un organisme, même pendant plusieurs années, réfractaire à la maladie vaccinante.

IV. Il m’a été donné de constater, même chez les cellules microbiennes les plus simples, un fait analogue de mémoire élémentaire. Par exemple, si l’on cultive un ferment lactique dans un milieu nutritif contenant de l’arseniate de potassium, puis si, 48 heures après, on fait pousser ce même ferment dans un milieu normal, alors on observe ce fait très étrange, que, même pendant une année après des ensemencements successifs, sur milieu normal, faits tous les deux jours, la cellule du ferment lactique a conservé le souvenir de son fugitif et ancien passage en milieu arsenical, car son accoutumance à l’arsenic est restée plus grande que celle du ferment qui n’a pas passé par un milieu arsenical. C’est un magnifique exemple de mémoire organique prolongée, après environ 50 000 (sic) générations successives.

V. Il n’est pas permis de dire qu’il n’y a pas quelque parité entre une réaction psychologique et une réaction physiologique (c’est-à-dire physico-chimique), car l’une et l’autre sont du même ordre. Il est en effet certain que les réactions psychologiques relèvent de phénomènes physico-chimiques, à savoir une modification quelconque, morphologique ou fonctionnelle, des cellules nerveuses. De sorte qu’en dernière analyse la mémoire, soit pour les tissus (mémoire inconsciente), soit pour les cellules qui président à l’intelligence (mémoire consciente), consiste toujours en ce fait fondamental,