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résulte des proportions citées précédemment que les chances d’erreur seraient huit ou dix fois moindres dans les cours d’assises, soit pour les acquittements, soit pour les condamnations.

» Lorsqu’il s’agit de jugements en matière civile, les formules de probabilités, au lieu de deux quantités spéciales, n’en contiennent plus qu’une, celle qui exprime la probabilité que chaque juge ne se trompe pas dans son vote. Dans les tribunaux de première instance, les jugements sont rendus par trois juges, en général, selon le renseignement qui m’a été donné ; mais on ne connaît pas le rapport du nombre de cas où ils prononcent à l’unanimité, au nombre de cas où ils décident à la simple majorité de deux voix contre une ; et, faute de cette donnée, il n’est pas possible de calculer directement la chance d’erreur de leurs votes. Pour les jugements dont il est fait appel devant les cours royales, on peut calculer cette chance en comparant le nombre de ceux qui sont confirmés au nombre de ceux qui ne le sont pas, et supposant qu’elle soit la même pour les juges des deux degrés successifs. Quoique cette hypothèse s’écarte peut-être beaucoup de la vérité, je l’ai admise cependant, afin de pouvoir donner un exemple du calcul de l’erreur à craindre dans les jugements en matière civile. La vérité ou le bon droit résulterait de la décision, nécessairement unanime, de juges qui n’auraient aucune chance de se tromper ; dans chaque affaire ce bon droit absolu est une chose inconnue : néanmoins, on entend par des votes et des jugemens erronés ceux qui lui sont contraires ; et la question consiste à déterminer leurs probabilités, ou ce qui est la même chose, les proportions suivant lesquelles ils auraient lieu, à très peu près et très probablement, dans des nombres de cas suffisamment grands.

» On trouve dans le Compte général de l’administration civile, récemment publié, le nombre des jugements de première instance qui ont été confirmés par les cours royales, et celui des jugements qu’elles ont cassés, pendant les trois derniers mois de 1831, et les années 1832 et 1833. Le rapport du second de ces deux nombres à leur somme, a un peu moins de 0,32 pour valeur dans la France entière ; il n’a pas varié d’une année à l’autre d’un 50e de cette valeur moyenne ; en sorte que malgré la diversité des affaires qui ont dû se présenter, et sans doute aussi l’inégale instruction des magistrats de tout le royaume, il a suffi cependant d’environ 8000 arrêts prononcés annuellement pour que le rapport dont il s’agit atteignît presque une valeur constante ; ce qui offre encore un exemple bien remarquable de la loi universelle des grands nombres.