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colonne fit une excavation à l’endroit même où elle joignit la terre. Poussés par le vent, le nuage et la colonne cheminèrent d’abord dans la direction du sud-ouest au nord-est ; le bas de la colonne passa sur le hameau de Flaujagues, traversa la Dordogne, atteignit l’extrémité de Lamothe ; de là se dirigeant du sud au nord, il traversa la commune de Saint-Seurin de Prast et enfin repassa de nouveau sur la Dordogne qui fait un détour. Arrivée au milieu de la rivière, la colonne, dont le diamètre avait été toujours en diminuant, se rompit dans son milieu ; la partie inférieure se répandit sur l’eau et la terre en fumée très noire, et la partie supérieure remonta dans les nuages.

» Cette colonne parcourut une lieue, et cela dans l’espace de vingt minutes ; elle ne produisit pas d’eau, mais l’on voyait distinctement dans son intérieur deux courans tournans, l’un ascendant et l’autre descendant. Elle renversa tout sur son passage. À Flaujagues elle enleva vingt-quatre gerbes de blé amoncelées : on ne put rien en retrouver. Sur la rivière elle saisit le moulin retenu par des chaînes contre l’action du courant, et le retourna bout par bout. Dans la commune de Saint-Seurin, la plaine est ravagée sur une longueur de 50 à 60 mètres ; mais dans le milieu de cet espace et sur une largeur de 8 à 10 mètres, tout a été enlevé. J’ai vu des arbres de la grosseur d’un homme dont il ne reste absolument rien, là où ils végétaient ; plusieurs d’entre eux, que leur force empêcha d’être brisés, furent tordus et tellement qu’un point de la partie supérieure du tronc avait décrit une circonférence presque entière. Dans sa route, la colonne passa sur une petite maison attenante à une plus grande. Sur cette dernière, quelques tuiles furent enlevées ; mais la plus petite eut sa toiture entière emportée à plus de cent pas au-delà d’un ravin et totalement dispersée. Plus loin encore, elle enleva une partie de la toiture d’une autre maison ; puis, en aspirant, elle souleva le plancher de 5 à 6 pouces.

» La colonne s’élargissait à la surface de la terre et laissait échapper une fumée très noire qui couvrit toute la plaine et l’obscurcit tellement que les habitans des collines environnantes annoncèrent que la commune de Saint-Seurin était engloutie et avait tout-à-fait disparu.

» Les habitans des collines assurent que le bas de la colonne était lumineux ; les habitans de la plaine disent au contraire n’avoir vu dans toute son étendue qu’une obscurité profonde.

» Le tonnerre, qui se faisait entendre avec violence depuis onze heures du matin, cessa complétement dès que la colonne atteignit la terre ; il ne recommença qu’après la disparition du météore.