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NOTRE VOYAGE DE RETOUR

justement ce que je prévoyais moi-même et ce qui m’avait décidé à pousser notre course aussi loin que possible ce soir-là. Nous avions douze milles à faire pour atteindre la première habitation ; c’était celle de la station télégraphique du gouvernement à la Pointe de Manicouagan.

La prophétie de notre ami se réalisa vite. Vers trois heures de l’après-midi, une tempête de vent de sud-est, avec de la neige se mit à rager. Désagrément à part, nous ne nous occupâmes pas beaucoup du temps ; je m’aventurais dans un pays qui m’était familier, et nous arrivâmes à la station peu après la tombée de la nuit, par une neige aveuglante.

En suivant le portage d’hiver, il nous restait encore à faire cinquante-trois milles avant d’arriver à la maison, et nous espérions franchir cette dernière étape en deux jours. Mais la tempête dérangea tous nos calculs. Comme il n’y avait pas d’habitations de là jusqu’à Godbout, nous eûmes à prendre des provisions pour au moins quatre jours, au cas de retard ou d’accident. Monsieur Pelletier, agent à la Pointe de Manicouagan, se montra infiniment obligeant. Il nous donna une chambre tout-à fait confortable, et nous eûmes la jouissance d’une bonne nuit de repos. Le lendemain matin, ma femme m’informa par dépêche que la plupart des bons hommes des environs devaient partir pour ouvrir un chemin sur une longueur de quinze milles, jusqu’à un camp de trappeurs qu’ils devaient préparer pour nous et qu’ils emporteraient des provisions avec eux. C’était une heureuse nouvelle ; et alors nous n’achetâmes des provisions que pour deux jours et nous nous mîmes en route.

À cause de la neige molle, nous ne pûmes faire qu’environ vingt milles. Nous avions aussi à nous arrêter à bonne heure, afin d’avoir le temps de pré-