Page:Comeau - La vie et le sport sur la Côte Nord du Bas Saint-Laurent et du Golfe, 1945.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
À TRAVERS LE SAINT-LAURENT

gardant qu’un seul aviron pour chacun. Avec la corde du crampon d’acier attachée de chaque côté du canot qui nous restait, mon frère et François pouvaient aider au halage de l’embarcation. Alfred qui résistait mieux que son frère, m’assistait à l’avant.

Toute cette journée-là, ce fut la même fatigante manœuvre, avec de temps à autre une mare d’eau libre, et peu à peu le rivage se dessina. J’eus bien de la difficulté à tenir mon frère éveillé et à l’empêcher de se geler les mains. Alfred aussi donna des signes d’épuisement, et les mains lui gelaient.

À 2.30 de l’après-midi, nous passâmes à la dérive à environ deux milles de distance de Cap Chat. Vers la terre, le long de la rive, je pouvais voir une nappe d’eau claire. J’encourageai tout le monde à faire un effort durant une heure pour y arriver. Je crois que ce fut l’heure la plus longue de toutes, mais nous tînmes bon, et, une fois de plus, notre canot fut à l’eau. À l’exception d’une glace fine de surface, le passage se trouvait maintenant libre jusqu’au rivage, à la pointe Sainte-Anne ; c’était l’endroit le plus accessible qu’il y eut sur la côte ; il se trouvait à un mille et quart de distance. Nous étions tellement rendus qu’il nous fallut prendre une heure pour franchir en canot cette petite distance, et lorsque nous mîmes pied à terre, la nuit tombait.

Pour attirer l’attention des gens sur la grève, j’avais tiré dix ou douze coups de fusil, au moment où nous approchions. On les avait entendus, mais malgré cela, on ne s’en était pas occupé ; on supposa que c’étaient des gens de la grève qui avaient tiré.

Ce que nous trouvâmes bon de fouler encore une fois le sol. Mon frère était tout gelé, grelottant de tous ses membres après être resté assis dans le canot ; je n’avais pu lui donner beaucoup de soins, occupé