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À TRAVERS LE SAINT-LAURENT

dans un seul canot. On tire le canot vide et léger le long de l’autre et on le pousse en avant de toute sa longueur. Les hommes alors s’y embarquent, amènent le canot qu’ils ont quitté, et recommencent la même chose au fur et à mesure qu’ils avancent pour gagner ainsi douze pieds chaque fois.

C’est un travail lent et pénible, mais qui a été le salut de bien des canotiers. Dans notre cas, le procédé n’eut pas de succès à cause du courant et de la tempête qui soufflait. Pendant trois heures, nous travaillâmes ferme à essayer de progresser au moyen de cette chaîne, en perdant tout le temps du terrain, jusqu’au moment où, réalisant que nous nous dépensions en d’inutiles efforts, nous abandonnions la partie.

Un canot monté par un autre de mes frères, Pierre, et un jeune chasseur du nom de M. Boucher, firent un effort désespéré pour venir à nous, mais la tempête devint si furieuse qu’ils durent retourner à terre. Quand nous lâchâmes notre manœuvre, nous nous trouvions à plus de quatre milles au large.

Dans les canots, nous étions très exposés au grand vent froid, et en bien mauvaise posture, en outre, j’étais tout trempé. Ça et là, dans le frasil, il y avait des morceaux de glace solide. Nous décidâmes en conséquence de nous remettre à l’œuvre pour en rattrapper un et nous y montâmes nos canots. Cette glace avait au moins cinquante pieds de long sur à peu près vingt de large, et était suffisamment épaisse pour nous porter. Nous mîmes l’un des canots sur sa quille par le travers du vent, en lui donnant comme étais contre la tempête, nos harpons enfoncés dans la glace. Le deuxième canot fut renversé derrière l’autre sur le côté et assujeti à chaque bout avec des monceaux de glaces et de neige que nous entassâmes avec nos avirons.