Page:Comeau - La vie et le sport sur la Côte Nord du Bas Saint-Laurent et du Golfe, 1945.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
UNE CHASSE DE L’ANCIEN TEMPS AU CARIBOU

J’ai déjà vu de beaux troupeaux de buffles, d’élans et d’antilopes, mais, en somme, ils ne m’ont pas présenté de plus beau spectacle que ces caribous, à cause probablement de la différence dans le décor, avec aussi, la neige. Il y en avait environ cent soixante dans la bande, et dès que le dernier eut franchi le passage à l’entrée, la fusillade commença. Apercevant les haies d’épinette et entendant des coups de fusil de tous les côtés, les caribous s’élancèrent en masse sur le lac ; les chefs chasseurs arrivèrent par derrière comme renforts. Ce fut une fusillade continue. De temps à autre, quand un caribou tombait, les autres venaient le flairer, pour subir le même sort. Parfois la bande tentait une furieuse sortie, pour se trouver confrontée avec encore des coups de fusil.

Cette fusillade se serait continuée jusqu’à l’immolation du dernier caribou, si ce n’eût été d’un malencontreux incident. Un caribou avait été atteint d’une balle près de l’œil ; étourdi du coup, il était tombé. Une minute ou deux après, reprenant ses sens, il se redressa et se dirigea mi-aveuglé et saignant, du côté d’un des chasseurs postés autour de la fourrière, un nommé Michel Ashini, jeune chasseur d’environ dix-huit ans.

Croyant probablement l’animal plus grièvement blessé qu’il ne l’était, c’est sa version, mais plus encore pour montrer son habileté comme chasseur et comme expert, il laissa son fusil au poste, et s’avança tout droit sur l’animal blessé, pour lui casser la tête de son tomahawk. Malheureusement pour Michel, l’animal fut plus prompt que lui. Faisant un saut, il passa à ses côtés comme une machine à vapeur, et enfila par la brèche qu’il avait laissée grande ouverte.