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même trop ; un peu de compassion vaudrait mieux que tant d’indignation : il les appelle « populace, le grossier les lourdauds ». Il eût mieux aimé vivre à Venise qu’à Sarlat où il était né, c’est-à-dire dans une république et non dans une monarchie.


République aristocratique de La Boëtie.


Mais il a en horreur la démocratie et le bas peuple. Il est dans les idées de Platon, de Tacite, de Phocion, lesquelles ne sont pas des idées démocratiques. « Le populaire, dit-il, a été toujours l’échafaudage des tyrans. » La Boëtie est parlementaire, il est même républicain — cela ressort de tout son discours. — Il dit souvent, quoique avec exagération, « qu’il n’y a rien de la chose publique dans une monarchie, puisque tout est à un seul. » Il ne fait aucune exception, même pour la France, pour la France de l’abbé Suger, de Gerson, de Duguesclin, de Montaigne, de Michel de l’Hospital, pour cette France où Mme  de Staël trouvait que le despotisme était nouveau et la liberté ancienne. Il semble la condamner comme les autres.

Mais Venise, avec son Conseil des Dix et ses Inquisiteurs d’État, était la plus terrible des aristocraties. La Boëtie dit lui-même qu’il n’y avait là qu’une poignée d’hommes libres, mais ne songeant qu’à la liberté. Il exalte aussi la république de Sparte, « où le grand législateur Lycurgue, dit-il avec grande raison, forma si bien les Lacédémoniens, que chacun d’eux eût cru plus cher de mourir de mille morts que de connaître autre seigneur que la loi et le roi. » Mais cette république de Sparte était la plus forte aristocratie qui fut jamais. Les hilotes, les esclaves y abondent, avec de belles chasses à ces malheureux pour les enfants des nobles, pour apprendre à ceux-ci l’art de la guerre… La philosophie antique était impitoyable pour la moitié du genre humain.

« Ainsi, dit La Boëtie, ne souffrez pas de tyran, que ce soit une tyrannie d’usurpation ou une tyrannie héréditaire.