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leur orateur du temps ; » surtout Georges Buchanan, grand poète écossais, précepteur du fils d’un roi d’Écosse, puis du fils du maréchal Brissac, et qui avait professé à Paris, au fameux collège Sainte-Barbe. Les collèges, les universités, appartenaient aux villes. L’émulation s’en mêlait d’une ville à l’autre. C’était à qui aurait le local le plus beau, les professeurs les plus illustres ; elles faisaient assaut de magnificence. Les grandes collections de livres, de gravures, d’éditions rares, d’objets d’art, d’anatomie et d’histoire naturelle, souvent plus considérables que celles que l’État peut fournir, se centralisaient dans les Universités, comme à Oxford ou à Iéna, et servaient à la science. Dégrèvement pour l’État, utilité pratique pour les villes.

C’est à l’école des anciens, tous citoyens de quelque république, d’Athènes, de Thèbes, de Syracuse ou de Rome, et dont les ouvrages étaient si bien expliqués dans ces Universités, que La Boëtie avait puisé sa haine contre les tyrans et ses idées républicaines. Tyrans électifs, tyrans d’usurpation ou de coups d’État, tyrans héréditaires, trois catégories imaginées par La Boëtie, sont par lui également couverts d’opprobre. Il semble dire que tout ce qui est roi est tyran, dans l’acception antique du mot, Βασιλευς η τυραννος… Et voyez comme il est rigide… ! c’est bien pis que Platon. Les théâtres, les jeux, les spectacles, les collections d’animaux étrangers, les tableaux même « et autres telles drogueries, dit-il, sont les appâts de la servitude pour tous les peuples, sont le prix de leur liberté et comme les outils de la tyrannie. » Jamais plus de stoïcisme ; c’est le puritain le plus austère. Les calvinistes les plus rudes n’en approchaient point. Il déshabille les tyrans, il les met à nu, il les dépouille de tout le prestige qui les environne. « Les tyrans se servent de tout, dit-il encore, des contes, des fables, des miracles pour assottir les peuples. La religion est leur garde-corps, et par tels moyens, tels plaisirs, ils sucrent la servitude. »

On croirait entendre les plus farouches organes du radica-