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demandais un baiser, de poser sur les miennes vos lèvres rieuses… »

Rosamond inclina doucement sa tête, qui se trouva ainsi posée sur l’oreiller, à côté de celle de sa mère… « Voyons chère maman, lui disait-elle d’une voix insinuante, pensez moins au passé !… Occupez-vous plutôt de l’avenir… Songez au temps où mon fils vous rendra tous ces lointains souvenirs dépouillés de leur amertume… au temps où vous lui enseignerez à poser ses lèvres sur les vôtres, comme jadis j’y posais les miennes.

— J’essayerai, Rosamond… mais songez donc que, pendant maintes et maintes années, mes seules pensées d’avenir ont été qu’un jour nous nous retrouverions au ciel… Si mes péchés me sont remis, comment nous y retrouverons-nous ?… Y serez-vous pour moi la petite fille d’autrefois ?… celle que je cessai de voir quand elle eut cinq ans ?… Je ne serais pas étonnée que la bonté de Dieu voulût me tenir compte de notre longue séparation ici-bas… Je ne serais pas étonnée que vous m’apparussiez, dans le monde où l’on est heureux, sous votre figure d’enfant, et que vous fussiez pour moi ce que vous auriez été pour moi sur la terre… un beau petit ange à porter dans mes bras… Si nous prions encore dans le ciel, ne serai-je pas chargée de vous apprendre vos prières… pour me consoler de ne pas vous les avoir apprises ici ?… »

Elle cessa de parler, sourit tristement, et, les yeux clos, s’abandonna aux rêves qui flottaient encore dans son intelligence à peine rassise. Pensant que peut-être, si rien ne la dérangeait, elle pourrait bien se rendormir, Rosamond ne bougeait plus et n’ouvrait plus la bouche. Ses yeux, fixés sur ce visage paisible, y constatèrent bientôt la décroissance lente et graduelle des clartés du jour… Assurée qu’elle ne se trompait point, elle regarda de nouveau vers la fenêtre. Les nuages de l’occident avaient perdu tous leurs reflets lumineux. La chute du jour était arrivée.

Au premier mouvement qu’elle fit dans son fauteuil, Rosamond sentit se poser sur son épaule la main de sa mère. En se retournant du côté du lit, elle vit fixés sur elle, et grands ouverts, les yeux de la malade… Elle les vit, et crut y distinguer une expression nouvelle, celle qui semble indiquer une absence momentanée des facultés pensantes.

« Que parlé-je du ciel ?… dit tout à coup la malade, murmurant comme entre ses dents, et fort bas, la face tournée du côté