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de madame, qui mande Sarah, et lui dit : « Ouvrez le panier sur lequel il y a S. L. ; ce sont vos initiales, et ce que contient ce panier est à vous… » Dedans, il y a d’abord un carton, lequel renferme un beau chapeau de dentelles noires ; ensuite un beau châle de couleur brune ; puis une belle étoffe de soie noire, assez pour une robe… puis du linge, des étoffes pour vêtements de dessous, le tout de première qualité. « Arrangez-vous une toilette avec tout cela, dit la maîtresse. Nos deux tailles sont si différentes que vous aurez moins de peine à vous faire du neuf qu’à rajuster pour vous des effets à moi… » Sarah, fort étonnée de tout ceci, demande : « À quoi bon ?… » La maîtresse répond : « Pas de questions ! Rappelez-vous ce que je vous ai dit. Gardez votre secret, fiez-vous à moi pour le reste !… » Là-dessus elle sort, laissant Sarah travailler. Que fait-elle ensuite ? Elle envoie chercher le médecin, qui lui demande ce qu’elle a… Elle se sent mal à l’aise, répond-elle… Sa santé n’est plus ce qu’elle était… C’est l’air humide et tiède du Cornouailles qui, pense-t-elle, l’affaiblit ainsi. Les jours se passent. Le docteur vient et revient, et, quoi qu’il puisse dire, il n’obtient jamais que ces deux réponses. Tout ce temps-là, Sarah travaille. Quand elle a fini : « À l’autre panier, maintenant ! dit la maîtresse. Il y a dessus une R. et un T. Ce sont mes initiales, à moi. Ce qui est dedans m’appartient… » Dedans, il y a d’abord un carton, et, dans ce carton, un chapeau de paille noir très-commun… puis un gros châle de couleur brune ; une robe en pièce d’une étoffe noire à bas prix ; du linge, des tissus pour vêtements de dessous, de cette qualité qu’on appelle bonne seconde. « Arrangez pour moi toute cette pacotille, dit la maîtresse. Et pas de questions ! Vous m’avez toujours obéi… continuez à m’obéir, ou vous êtes une femme perdue !… » La pacotille une fois fabriquée, elle essaye ces vêtements si nouveaux pour elle, se regarde devant la glace, et riant d’un rire qui fait mal à entendre : « Ne voilà-t-il pas une bonne grosse fille de service, bien fraîche et l’air honnête ?… dit-elle. Mais quoi ! j’ai souvent joué de ces rôles, en mon bon temps de théâtre… » Puis elle ôte ce travestissement, et enjoint à Sarah de le mettre dans une malle ; on met, dans une autre le costume de dame fait à la taille de ma nièce : « Le docteur, dit-elle, m’a ordonné de changer d’air. Le Cornouailles est un pays trop humide… l’air y est trop doux. Je vais chercher un climat plus vif, plus sec, et qui me retrempe… » Voilà ce qu’elle dit,