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remis de la part de M. Fairlie, qu’on avait emporté presque évanoui de la salle à manger, au moment où les clameurs des tenanciers avaient répondu à mon appel cordial. Son envoyé nous apportait « les meilleures félicitations de M. Fairlie, » et venait s’informer, de sa part, si « nous avions le projet de faire halte au château. » Je lui répondis verbalement que l’unique objet en vue duquel j’avais franchi le seuil du château se trouvait maintenant accompli ; que je n’avais le projet de faire halte chez personne, si ce n’est chez moi ; et que M. Fairlie n’avait nullement à craindre de nous revoir jamais ou de jamais entendre parler de nous. Nous retournâmes passer la nuit chez nos amis de la ferme ; et le lendemain matin, — escortés jusqu’à la station, avec le plus chaleureux enthousiasme, par le village entier et par tous les fermiers des environs, — nous nous en revînmes à Londres.

Tandis que les collines du Cumberland s’effaçaient à nos yeux dans l’éloignement, je songeais aux circonstances décourageantes qui avaient marqué le début de cette longue lutte, maintenant achevée. Il était étrange, en revenant sur le passé, de voir que cette même pauvreté qui nous avait isolés de toute assistance, était indirectement devenue la cause de notre triomphe, en m’obligeant à faire moi-même ce qu’exigeaient les circonstances. Si nous eussions été assez riches pour trouver appui chez les gens de loi, quel eût donc été le résultat ? Le gain du procès, (ainsi que M. Kyrle me l’avait démontré lui-même), aurait été plus que douteux ; la perte, — si l’on en jugeait simplement d’après le cours que les événements avaient suivi, — la perte était assurée. Jamais la procédure légale ne m’eût procuré mon entrevue avec mistress Catherick. Jamais elle n’eût découvert en Pesca l’instrument indispensable pour arracher au comte ses aveux décisifs.