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Il sourit avec un calme suprême, et, accompagnant ses paroles d’un geste négligent de sa main droite : — Je veux bien hasarder une conjecture, dit-il avec l’accent de la raillerie ; ce sont, naturellement, les intérêts d’une belle dame.

— Les intérêts de ma femme, interrompis-je brusquement.

Pour la première fois, depuis que nous étions en présence, le visage de ce grand comédien exprima un sentiment vrai ; — celui d’une profonde surprise. Je pus m’assurer, à partir de ce moment, qu’il me jugeait infiniment moins redoutable. Il referma immédiatement le tiroir, croisa les bras sur sa poitrine, et prêta l’oreille à mes paroles avec un sourire d’attention railleuse.

— Vous en savez assez, continuai-je, sur les recherches auxquelles je me suis livré depuis plusieurs mois, pour n’ignorer point qu’il serait parfaitement inutile de nier devant moi des faits évidents. Vous vous êtes rendu coupable d’une infâme conspiration, et votre mobile a été le gain d’une fortune de dix mille livres…

Il n’ouvrit point la bouche ; mais une misérable anxiété rappela le sombre nuage qui naguère planait sur sa physionomie redevenue souriante.

— Gardez vos profits, lui dis-je (son visage immédiatement s’éclaira de nouveau, et ses yeux de plus en plus ouverts me contemplaient avec une surprise croissante), je ne suis pas venu me déshonorer en vous marchandant un argent qui est déjà passé par vos mains, et dont on a fait le salaire d’un crime ignoble…

— Doucement, monsieur Hartright. Vos traquenards moraux sont, en Angleterre, d’un usage excellent. Veuillez les garder pour vous et vos compatriotes. Cette somme de dix mille livres formait le montant d’un legs en faveur de ma femme, inscrit dans le testament de feu M. Fairlie. Plaçons la question sur ce terrain, et je la discuterai, si vous y tenez. Néanmoins, pour un homme doué comme je le suis, c’est là un sujet déplorablement sordide. Je préfère n’y pas insister. Je vous convie à reprendre la discussion du traité que vous m’offrez… Que demandez-vous ?