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accorde ceci. Pourtant, les lois de la Fraternité ne sont celles d’aucune autre société politique à la surface du globe. Les membres ne se connaissent point l’un l’autre. Il y a un président en Italie, il y a des présidents hors de ce pays. Chaque président a son secrétaire. Les présidents et les secrétaires connaissent les membres ; mais les membres demeurent tous étrangers les uns aux autres, jusqu’à ce que leurs chefs jugent à propos, de par la nécessité politique de l’époque, ou en vertu des besoins privés de la société, de les mettre en rapports individuels. Moyennant cette sauvegarde, nous sommes admis sans prêter serment. Notre affiliation à la Fraternité est attestée par une marque secrète que nous portons tous, et qui dure autant que nous-mêmes. On nous prescrit de poursuivre chacun notre profession, et de rendre seulement compte de nous-mêmes, quatre fois par an, au président ou au secrétaire, pour le cas où nos services auraient à être requis. On nous avertit que, si nous trahissons la Fraternité, ou si nous lui faisons tort en nous mettant au service d’intérêts contraires, nous mourrons en vertu de ses principes, — nous mourrons de la main d’un étranger, envoyé pour nous frapper peut-être de l’autre bout du monde, — ou de la main d’un ami intime qui, durant tout le temps de notre liaison, était, à notre insu, un membre de la terrible Fraternité. Quelquefois la sentence mortelle est ajournée ; quelquefois elle suit la trahison comme le coup suit le coup. Notre premier devoir est de savoir attendre ; notre second de savoir obéir au premier signal. Certains d’entre nous attendront toute leur vie, et ne seront jamais appelés à l’œuvre. D’autres, au contraire devront ou l’accomplir ou la préparer, dès le jour même de leur admission. Moi qui vous parle, — ce petit homme que vous connaissez d’humeur joyeuse et facile, et qui, par instinct, lèverait à peine son mouchoir sur la guêpe importune qui bourdonne autour de son visage, — moi-même, dans ma première jeunesse, provoqué par des griefs si affreux que je ne saurais vous en parler, j’entrai dans la Fraternité par la même fougueuse impulsion qui m’eût fait me couper la gorge. Maintenant, il