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même moment, posa doucement sa main sur mon épaule, et me retint auprès d’elle.

— Walter, me dit-elle, je vous ai séparés une fois, pour votre malheur et pour le sien. Attendez ici, mon frère !… Attendez, mon plus cher, mon meilleur ami, que Laura vienne vous dire ce que, maintenant, j’ai fait…

Pour la première fois depuis nos adieux à Limmeridge, elle posa ses lèvres sur mon front. Une larme glissa sur mon visage au moment où elle m’embrassait ainsi. Puis, se tournant vivement, elle me montra le fauteuil d’où je venais de me lever, et me laissa seul dans la chambre.

Je restai à la fenêtre, attendant que la crise de ma vie eût reçu son dénoûment. Mon esprit, dans cet intervalle de temps si rempli d’anxiétés, était comme anéanti. Je n’avais plus conscience de rien que d’une pénible intensité dans les perceptions les plus familières. Le soleil devenait, pour moi, d’un éclat éblouissant. Les blancs oiseaux de mer, qui se donnaient la chasse dans le lointain, me semblaient venir battre mon visage de leurs ailes. Le murmure profond et doux du flot déferlant sur la grève, roulait dans mes oreilles comme un tonnerre.

La porte s’ouvrit ; et Laura Fairlie entra toute seule. C’est ainsi qu’elle était entrée dans la salle à manger de Limmeridge, le matin de notre séparation. D’un pas lent et chancelant, mélancolique, hésitante, elle s’était alors rapprochée de moi. Elle arrivait, maintenant, accourant d’un pas léger au devant du bonheur, et le visage rayonnant de tout l’éclat qu’il peut donner. D’eux-mêmes, ces bras chéris m’étreignirent ; d’elles-mêmes, ces douces lèvres montèrent aux miennes : — Cher aimé ! murmura-t-elle, ce que nos cœurs éprouvent, pouvons-nous à présent nous le dire ?… Et posant sa tête sur ma poitrine avec une joie attendrie : — Oh ! disait-elle en toute innocence de cœur, que je suis donc heureuse, à la fin !…