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Elle soupira, et pendant un instant, garda ma main serrée dans la sienne ; puis, la laissant aller brusquement, elle quitta la chambre. Dès le lendemain, Laura sut qu’elle était libre, elle sut que l’erreur et le malheur de sa vie étaient à jamais ensevelis dans la tombe de cet homme.

Son nom ne fut jamais plus mentionné parmi nous. À partir de ce jour, nous évitâmes avec le plus grand scrupule toute allusion, même lointaine, à ce trépas libérateur ; et nous mîmes, Marian et moi, tout autant de soin à ne jamais parler de cet autre sujet, que d’un commun accord, nous avions ajourné. Il n’en était pas moins présent à nos pensées ; et le silence que nous nous étions imposé contribuait à l’y maintenir présent. L’un et l’autre, nous surveillions Laura d’un œil plus inquiet que jamais, attendant que le temps fût venu, quelquefois avec un peu d’espérance, quelquefois avec de nouveaux motifs de crainte.

Peu à peu, nous reprîmes notre vie habituelle ; je revins à ce travail quotidien qu’avait interrompu mon voyage dans le Hampshire. Notre nouvelle résidence nous coûtait plus cher que l’appartement beaucoup plus petit et beaucoup moins commode auquel nous avions renoncé ; et le surcroît de travail qui m’était ainsi imposé devenait d’autant plus obligatoire que notre avenir était encore fort problématique. Telles circonstances pressantes pouvaient se présenter qui nous forceraient à épuiser, chez le banquier, notre petite réserve, et nous serions alors réduits, pour ressource unique, au travail de nos mains. Un emploi plus permanent et plus lucratif que celui dont j’étais provisoirement pourvu devenait une nécessité de ma position, et il était à propos d’y songer d’avance.

Il ne faudrait pas croire que, pendant ce temps de retraite et de repos, j’abandonnai absolument la préoccupation principale en vue de laquelle étaient dirigées mes actions, ainsi qu’on l’a vu dans ces pages. Pendant bien des mois encore, cette préoccupation devait continuer à peser sur moi. Tout en mûrissant lentement mes projets,