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chargée de dettes cette succession inattendue ; mais, avec de la patience et de l’ordre, le domaine finirait par s’acquitter, et le « capitaine », en s’y prenant bien, pourrait encore se trouver riche avant de mourir.

Si absorbé que je fusse par l’idée de mon retour à Londres, ce renseignement (que la suite des événements me prouva être d’une exactitude parfaite) avait en lui-même de quoi fixer mon attention. Il légitimait, à mes yeux, le secret que je voulais garder sur la découverte de la fraude commise par sir Percival. L’héritier dont il avait usurpé les droits était le même qui allait entrer en possession du domaine. Les revenus de cette belle terre qui, depuis vingt-trois ans, auraient dû en bonne justice lui échoir, et que le défunt avait dévorés jusqu’au dernier farthing, étaient désormais parfaitement irrecouvrables. Si je parlais, mes révélations ne porteraient profit à personne. Si je gardais le secret, mon silence protégerait la réputation de l’homme qui avait frauduleusement déterminé miss Fairlie à l’épouser. Or, pour elle, je souhaitais que cette réputation restât intacte ; pour elle encore je me crois tenu de raconter cette histoire sous des noms déguisés.

Je me séparai, à Knowlesbury, du compagnon que le hasard m’avait donné ; sans aucun retard, je me rendis à la maison de ville. Ainsi que je l’avais présupposé, personne n’était là pour suivre l’accusation portée contre moi, et, quand les formalités d’usage eurent été remplies, je fus renvoyé de la plainte. Au sortir du tribunal, on me remit une lettre de M. Dawson. Elle m’annonçait qu’il avait dû s’absenter pour raisons professionnelles, et me renouvelait son offre de m’assister en toutes choses, autant qu’il serait en lui. Je lui répondis pour lui témoigner la reconnaissance que m’inspiraient toutes ses bontés, et pour m’excuser de ne pas lui porter moi-même mes remerciements, attendu les pressantes affaires qui me rappelaient dans la capitale.

Une demi-heure après, je partais pour Londres en toute hâte par le train express.