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rivière, à petite distance de notre village. C’est là qu’ils vécurent d’abord et qu’elle commença de porter son nom. Les gens qui avaient connu sir Félix encore célibataire, et qui étaient au courant de son goût pour la solitude, ne s’étonnèrent pas de le lui voir conserver après son prétendu mariage. Sans l’extrême laideur que lui avaient infligée ses infirmités, et qui le rendait hideux à regarder, la profonde retraite dans laquelle il vivait avec sa compagne aurait pu exciter quelques soupçons ; mais, les choses étant ainsi, personne ne s’étonna de le voir dissimuler à tous les yeux sa difformité repoussante. Il vécut dans nos environs jusqu’à ce que Blackwater-Park lui échût en pleine propriété. Après un laps de vingt-trois à vingt-quatre ans, qui pouvait dire (le pasteur étant mort) que son mariage n’eût pas eu lieu dans les mêmes conditions de secret qui avaient sans cesse protégé sa vie, et que cette union ne se fût pas accomplie dans l’église du Vieux-Welmingham ?

Aussi, comme je vous le disais, son fils jugea que notre village était l’endroit le mieux choisi pour régulariser secrètement, dans l’intérêt de son avenir, les choses passées. Vous apprendrez peut-être avec surprise que l’altération qu’il fit subir au registre ne fut point préméditée et qu’il l’improvisa sous l’impulsion du moment.

Sa première idée avait été simplement d’arracher le feuillet correspondant à l’année, aux mois les plus convenables à sa fraude, de le détruire secrètement, et d’aller ensuite à Londres demander aux gens de loi de lui procurer un certificat du mariage de son père, en les renvoyant naturellement, le candide jeune homme, à la date où aurait manqué le feuillet. Personne ne pourrait soutenir, après cela, que son père et sa mère n’avaient pas été mariés ; — et lors même que, dans de telles circonstances, on dût faire difficulté de lui prêter de l’argent (ce qui, selon lui, était probable), au moins aurait-il sa réponse toute prête si jamais on s’avisait de mettre en question son droit au titre et au domaine.

Mais quand il vint à examiner secrètement le registre, il s’aperçut qu’au bas d’une des pages consacrées à l’an-