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solu, malgré tout, à faire une seconde tentative pour dérouter ce beau sang-froid. Si le caractère violent de cette femme échappait une fois à son empire, et si j’en attirais sur moi les éclats, elle pouvait encore prononcer telle ou telle parole qui mettrait en mes mains le fil conducteur.

— Voyons… répondez ! qu’augurez-vous de votre spéculation ? reprit-elle d’un air de triomphe.

— Exactement ce que j’en augurais en mettant le pied dans ce salon, lui répondis-je. Je ne révoque nullement en doute la position que vous avez su vous faire dans cette ville ; et, quand bien même je le pourrais, je ne désire aucunement y porter atteinte. Je suis venu ici parce que, à ma connaissance certaine, sir Percival Glyde est votre ennemi tout comme le mien. Si j’ai ma rancune contre lui, vous avez la vôtre. Vous convient-il de le nier ? à votre aise ; méfiez-vous de moi autant qu’il vous plaira ; fâchez-vous à votre pleine satisfaction ; mais si vous êtes le moins du monde sensible à l’outrage, à l’injustice, je vois en vous, de toutes les femmes d’Angleterre, celle qui devrait m’aider le plus volontiers à écraser cet homme.

— Écrasez-le tout seul, dit-elle, et venez ensuite me trouver ; vous verrez ce que j’ai à vous dire…

Elle prononça ces paroles autrement qu’elle n’avait parlé jusqu’alors, — d’un ton bref, farouche, vindicatif. J’avais excité, dans son noir abri, la haine vipérine qui était tapie là depuis des années… Tandis que, par un brusque mouvement, mistress Catherick se penchait en avant vers le fauteuil où j’étais assis, — cette haine sembla se jeter sur moi comme un reptile caché. Tandis que mistress Catherick se renfonçait à l’instant même dans son fauteuil, — elle se glissa promptement hors de vue.

— Vous ne voulez pas vous fier à moi ? lui dis-je.

— Non.

— Vous avez peur.

— En ai-je l’air ?

— Vous avez peur de sir Percival Glyde.

— Vous croyez ?…