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répondit-elle avec un soupir las et découragé. Vous travaillez, vous gagnez de l’argent, Walter ; et Marian vous vient en aide. Pourquoi n’est-il rien que je puisse faire ?… Vous finirez par me préférer Marian… Vous finirez par là, car je ne suis bonne à rien ! Oh ! de grâce, ne me traitez pas comme un enfant !…

Je lui fis relever la tête, et lissant ses cheveux en désordre qui lui tombaient sur le front, je donnai un baiser à cette pauvre fleur flétrie, à cette sœur dont le chagrin avait presque égaré la raison.

— Vous nous aiderez, Laura, lui dis-je ; vous commencerez, chère enfant, dès aujourd’hui…

Aussitôt son regard prit une ardeur presque maladive, et sa curiosité, qui semblait lui couper la respiration, me fit trembler pour cette nouvelle vitalité que l’espérance venait de lui rendre sur quelques paroles tombées de mes lèvres. Je me levai, je remis en ordre ses instruments de dessin et les replaçant devant elle :

— Vous savez, lui dis-je, que je gagne ma vie en travaillant à ceci. Vous vous êtes si bien appliquée, vous avez fait tant de progrès que vous pouvez travailler, vous aussi, et comme moi gagner de l’argent. Tâchez de terminer cette petite esquisse aussi correctement, aussi gentiment que vous le pourrez. Quand elle sera finie, je la porterai au même marchand qui achète tout ce que je fais, et qui très-certainement l’achètera aussi. Vous garderez à part, dans votre bourse, tout ce que vous aurez gagné ; et Marian vous demandera, comme à moi, de quoi faire marcher notre petit ménage. Pensez combien vous allez vous rendre utile, à elle et à moi ! Pensez-y, Laura, et vous ne saurez plus ce que c’est d’avoir une heure de chagrin…

Son visage s’anima et s’éclaira bientôt d’un sourire. Tant qu’il dura, ce sourire, et au moment où elle reprenait les crayons que naguère elle avait mis de côté, on eût presque dit notre Laura d’autrefois.

J’avais su bien traduire les premiers symptômes de renaissance et de force nouvelle qui, à son insu, se révélaient dans son intelligence, par l’attention jalouse avec