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en secouant la tête. La vieille femme était un peu plus intelligente ; et je l’amenai, avec quelque effort, à me parler du départ de sir Percival et de la subite alarme qui en avait été cause. Elle se rappelait fort bien que son maître l’avait réveillée en sursaut, au milieu de la nuit ; elle se rappelait aussi que ses blasphèmes l’avaient effrayée ; — mais la date à laquelle tout ceci était arrivé (la pauvre femme en convenait honnêtement), cette date était « bien au-dessus d’elle. »

En quittant la « lodge », je vis le jardinier qui travaillait à peu de distance. Au premier abord, quand je lui parlai, cet homme parut m’envisager avec une certaine méfiance ; mais en mettant en avant le nom de mistress Michelson, et moyennant une allusion polie à lui-même, je l’engageai assez vite dans la conversation. Il est inutile de raconter ce qui se passa entre nous ; cette nouvelle tentative, pour retrouver la date perdue, ne réussit pas mieux que les autres. Le jardinier se rappelait que son maître était parti en voiture, pendant la nuit « à un certain moment du mois de juillet, dans la dernière quinzaine ou les derniers dix jours du mois ; » — il n’en savait pas davantage.

Pendant que nous causions, j’aperçus l’homme noir, au grand chapeau, qui sortait de la maison, et s’arrêtait, à quelque distance pour nous observer.

Déjà quelques soupçons m’avaient traversé l’esprit, touchant la mission de cet homme à Blackwater-Park. Ces soupçons augmentèrent maintenant, le jardinier n’ayant pas pu (ou voulu) me dire qui était ce personnage ; et je résolus d’éclairer un peu ma route, si je le pouvais, en l’abordant. La plus simple question à lui faire, en ma qualité d’étranger, était de m’informer si les curieux étaient admis à visiter le château. Je me dirigeai aussitôt vers lui, et l’interpellai par ces paroles.

Sa physionomie et son attitude ne me laissèrent pas douter qu’il ne sût à qui il avait affaire, et je vis aussi qu’il se proposait de m’irriter, de susciter une querelle entre nous. Sa première réponse eût été assez insolente pour amener ce résultat, si elle m’avait trouvé moins fer-