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pour me mettre en possession de tout ce que Marian avait à m’apprendre.

Je m’employai ensuite à réunir autant de témoignages additionnels que je pus, sans trop éveiller de soupçons, m’en procurer au dehors. Je me rendis en personne chez mistress Vesey pour savoir si Laura se trompait ou non en affirmant qu’elle y avait couché. En cette occasion, par égard pour l’âge et les infirmités de mistress Vesey, — et ultérieurement, dans toutes les occasions semblables, par mesure de précaution, — je tins secrète notre position réelle, prenant soin de ne jamais parler de Laura que comme de « feu lady Glyde. »

La réponse de mistress Vesey à mes questions ne fit que me confirmer dans des appréhensions déjà conçues. Laura, bien certainement, s’était annoncée comme devant venir passer une nuit sous le toit de sa vieille amie ; mais jamais, ni de près ni de loin, cette promesse n’avait été tenue.

En cette circonstance, — et, j’avais à le craindre dans beaucoup d’autres, — sa pensée lui présentait confusément un simple projet conçu par elle comme un acte définitivement réalisé. Cette fausse lueur de l’intelligence, ce démenti involontaire qu’elle se donnait à elle-même, n’avaient rien qu’on ne pût expliquer ; mais il n’en était pas moins probable qu’on en tirerait contre elle des conséquences graves. Ils nous faisaient trébucher au premier pas ; ils mettaient dans l’ensemble de nos preuves une sorte de « paille » qui en altérait sérieusement la cohérence.

Lorsque ensuite je demandai la lettre que Laura avait écrite de Blackwater-Park à mistress Vesey, elle me fut remise sans l’enveloppe qui, jetée le jour même au panier, avait disparu depuis longtemps.

La lettre elle-même ne portait aucune date, pas même celle du jour de la semaine. Elle renfermait seulement ces lignes : — « Très-chère mistress Vesey, je suis dans de grandes anxiétés et dans de grands chagrins. Il se peut que j’aille vous trouver demain soir, et que je vous demande un asile pour la nuit. Je ne saurais, dans