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consistait en quelque chose dont il avait conscience plutôt qu’il ne le voyait. En somme, ce cas particulier avait offert, dès le début, un caractère énigmatique, et le problème nouveau n’était qu’un embarras ajouté à beaucoup d’autres.

On exagérerait en disant que cette conversation eut pour résultat de préparer, même en partie, l’esprit de miss Halcombe à ce qui allait survenir. Cependant, un très-sérieux effet se trouva par là produit sur elle. Elle se sentait si complètement énervée par tant d’ambiguïtés mystérieuses, qu’elle fut quelque temps à se remettre assez pour pouvoir accompagner le directeur de l’hospice jusqu’à cette portion des bâtiments où étaient confinées les malades.

Informations prises, il se trouva que la prétendue Anne Catherick prenait en ce moment quelque exercice dans les terrains clos dépendants de l’établissement. L’une des gardiennes s’offrit à y conduire miss Halcombe, le propriétaire de l’hospice se voyant retenu, pour quelques minutes, par un incident qui réclamait son intervention, et s’engageant du reste à rejoindre bientôt, dans l’enclos, la visiteuse dont il s’était constitué le « cicerone ».

La gardienne en question mena miss Halcombe dans une partie assez reculée du domaine, lequel était distribué avec un certain goût ; et après avoir regardé de côté et d’autre, elle finit par tourner dans une allée de gazon percée entre deux taillis. Environ à mi-chemin de cette pente verte, deux femmes approchaient lentement. La gardienne les désigna de la main, et dit : — Voici Anne Catherick, madame, avec la personne spécialement chargée d’elle. Cette personne répondra aux questions que vous voudrez bien lui faire… Et là-dessus, la gardienne partit, rappelée par les devoirs que la régie de la maison lui imposait.

Miss Halcombe avançait de son côté, les femmes avançaient du leur. Quand elles ne furent plus séparées que par une douzaine de pas, l’une des deux femmes s’arrêta un instant, dévorant du regard la dame étrangère, puis elle échappa brusquement à l’étreinte de la gardienne