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Mais Laura, de son côté, tenait tellement à savoir ce qui s’était passé en bas, qu’il devint impossible de résister à sa curiosité. Elle répétait sans cesse sa question.

— Naturellement, c’est le comte, lui répondis-je avec impatience. Qui donc aurait, dans le château, assez d’influence ?…

Elle m’interrompit avec un geste de dégoût.

— Ne me parlez point de lui, s’écria-t-elle, le comte est la plus vile créature qui soit au monde ! Le comte n’est qu’un misérable espion !…

Avant que ni elle ni moi n’eussions articulé une parole de plus, deux ou trois petits coups, frappés doucement à la porte de la chambre à coucher, vinrent nous causer une vive alarme.

Je n’étais pas encore assise, et je courus d’abord vérifier qui ce pouvait être. Au moment où j’ouvris la porte, madame Fosco se trouva devant moi, tenant mon mouchoir dans sa main.

— Vous avez laissé tomber ceci au bas des degrés, miss Halcombe, me dit-elle, et j’ai cru qu’en retournant chez moi, je pouvais vous rendre le service de vous le rapporter… Sa figure, naturellement pâle, était, en ce moment, d’une blancheur de spectre, si bien que je ne pus m’empêcher de tressaillir en la voyant. Ses mains ordinairement si sûres et si posément adroites, tremblaient avec violence ; ses yeux qui, par-dessus mon épaule, allaient chercher Laura au fond de la chambre, semblaient ceux d’une louve affamée.

Avant de frapper, elle avait écouté !… Je lisais ceci sut son blême visage, dans le tremblement de ses mains, dans l’expression des regards qu’elle jetait sur ma sœur.

Après un instant d’attente, elle se détourna de moi, sans mot dire, et se retira lentement.

Je refermai la porte : — Oh ! Laura ! Laura ! m’écriai-je, nous paierons bien cher, toutes deux, le jour où il vous a plu de dire que le comte était un espion !

— Vous-même, Marian, sachant ce que je sais, vous lui auriez donné ce nom. Anne Catherick ne se trompait pas.