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— Oh ! Laura, Laura !… encore une chance perdue ! Que j’eusse été près de vous, et certes elle ne vous eût pas échappé. De quel côté l’avez-vous vue disparaître ?

— Vers la gauche, là où le sol fléchit tout à coup, où le bois est le plus épais.

— Vous êtes-vous élancée au-dehors ! l’avez-vous appelée ?

— Comment l’aurais-je fait ? La peur me tenait immobile et muette.

— Mais, enfin, quand vous avez pu bouger, quand vous êtes sortie ?…

— Je suis revenue ici en courant, pour vous dire ce qui était arrivé.

— Avez-vous vu, avez-vous entendu quelqu’un dans la plantation ?

— Non… quand je l’ai traversée, tout y était tranquille et silencieux…

Je m’arrêtai un moment pour réfléchir. Cette troisième personne, qu’on supposait avoir assisté secrètement à l’entrevue, était-ce une réalité ou une création chimérique évoquée par les alarmes d’Anne Catherick ? Il était impossible de le savoir. Une seule chose demeurait certaine, c’est que, sur le point même de tout découvrir, nous venions d’échouer encore, d’échouer absolument, irrévocablement, à moins qu’Anne Catherick ne fût exacte au rendez-vous qu’elle avait donné, pour le lendemain, dans la hutte, au bord du lac.

— Êtes-vous bien sûre de m’avoir dit tout ce qui s’est passé ? m’avez-vous répété, mot pour mot, tout ce qui s’est dit ! demandai-je à ma sœur.

— Je le crois, répondit-elle. Je n’ai pas votre mémoire, Marian ; mais j’étais si fortement impressionnée, intéressée à ce point, qu’aucune circonstance un peu essentielle n’a pu m’échapper.

— Ma chère Laura, les plus insignifiantes bagatelles ont leur importance, lorsque Anne Catherick s’y trouve mêlée. Réfléchissez encore… Ne lui serait-il pas échappé par hasard, quelque allusion à l’endroit où elle réside actuellement.