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qu’à un cabriolet, — me promettre tout simplement de ne pas vous mêler de mes affaires, et me laisser vous quitter où et quand il me plaira ; — j’ai une amie à Londres qui sera charmée de me recevoir ; c’est là tout ce qu’il me faut. — Voudrez-vous me faire cette promesse ?…

Elle regardait avec inquiétude, parlant ainsi, le chemin qu’elle avait suivi et celui qu’elle allait parcourir ; son sac, de plus belle, passait d’une de ses mains dans l’autre : elle répétait ces mois : Promettez-vous ?… et me regardait en face, obstinément, avec une crainte suppliante et une confusion qui faisaient mal à voir.

Que faire ? J’avais là, complètement à ma merci, une personne inconnue, — cette inconnue était une femme sans ressources et sans protection. Pas une maison dans le voisinage, pas un passant à qui je pusse demander conseil ; d’autre part, je ne me connaissais pas au monde un seul droit qui m’investît sur elle d’un contrôle quelconque, alors même que j’aurais su comment exercer ce contrôle. Les événements survenus depuis projettent leur ombre sur le papier même où je trace ces lignes, et ils m’ont appris à me méfier de moi. Cependant, dirai-je encore, que faire en pareille passe ?

Je ne me charge pas de l’apprendre à ceux qui ne le savent point, mais voici ce que je fis. Je tâchai, par quelques questions, de gagner du temps.

— Êtes-vous bien sûre que votre amie de Londres voudra vous recueillir à cette heure indue ?

— Parfaitement sûre. Dites simplement que vous me laisserez vous quitter où et quand il me plaira ; dites que vous ne vous mêlerez pas, malgré moi, de ce qui me concerne !… Voulez-vous me promettre cela ?…

Et comme, pour la troisième fois, elle répétait ces paroles, elle se rapprocha de moi et posa sa main sur ma poitrine, tout à coup, avec un geste à la fois doux et furtif. — Main frêle, main glacée (je la sentis en l’écartant), même en cette nuit brûlante. N’oubliez pas que j’étais jeune ; n’oubliez pas que cette main, posée si près de mon cœur, était celle d’une femme.

— Promettez-vous ?