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fût trop tard. Pourquoi me suis-je à peine trouvé le courage de vous écrire cette lettre ? Pourquoi n’ai-je fait que du mal, quand je ne désirais et ne voulais faire que le bien ? Oh ! mes craintes… mes craintes insensées, misérables, criminelles !… Pour la seconde fois, elle répéta ces paroles, et, pour la seconde fois, ramena sur son visage les plis de son pauvre petit châle. Elle était effrayante à voir, effrayante à entendre.

— Vous lui aurez sûrement demandé, Laura, quelles étaient ces craintes sur lesquelles elle revenait avec tant d’insistance ?

— Oui, je lui ai fait cette question.

— Et qu’a-t-elle dit ?

— Elle m’a demandé, par manière de réplique, si je n’aurais pas peur, « moi », d’un homme qui, après m’avoir fait renfermer dans une maison de fous, serait encore disposé, en ayant le pouvoir, à m’y emprisonner de nouveau ? — Le craignez-vous encore ? lui dis-je. Vous ne seriez pas ici, bien certainement, si vous aviez cette appréhension ? — Non, dit-elle ; maintenant, je n’ai plus peur… — Je lui demandai ce qui la rassurait. Elle se pencha tout à coup en avant, et me dit : — Ne sauriez-vous le deviner ?… Je lui fis signe que non : — Regardez-moi, continua-t-elle. Je lui dis alors que j’étais peinée de lui voir l’air si triste et l’aspect si souffrant. Pour la première fois, elle sourit : — Souffrant répéta-t-elle, oh ! c’est mieux que cela… Vous savez maintenant pourquoi je n’ai plus peur de lui… Et, dites-moi, croyez-vous que je trouverai votre mère dans le ciel ?… S’il en est ainsi, me pardonnera-t-elle ?… J’étais si émue, si étonnée, que je ne pus répondre. — J’ai pensé à cela, continua-t-elle, durant tout le temps où je me dérobais à votre mari, tout le temps où je suis restée malade. Mes pensées m’ont conduite ici de force… Je veux expier ma faute ;… je veux annuler autant que possible le mal que j’ai fait autrefois… — Je la suppliais, avec toute l’ardeur imaginable, de me dire ce qu’elle entendait par là. Elle me couvrait toujours de son regard distrait et fixe. — Est-ce moi, se disait-elle avec l’accent du doute ; est-ce