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femme soit un des témoins, et, par là, il me force à vous prier de venir nous rejoindre dans la bibliothèque…

J’y entrai avec sir Percival. Laura nous attendait auprès du bureau, tournant et retournant dans ses mains, avec une sorte d’inquiétude, son chapeau de jardin. Madame Fosco, assise auprès d’elle dans un grand fauteuil, admirait imperturbablement son mari qui, seul à l’autre bout de la pièce, ramassait une à une quelques feuilles mortes, tombées des fleurs qui garnissaient la croisée.

Dès que je parus, le comte vint au-devant de moi pour m’offrir ses excuses.

— Mille pardons, miss Halcombe ! dit-il. Vous connaissez la réputation faite à mes chers compatriotes par messieurs les Anglais ? S’il faut s’en rapporter au brave John Bull, nous autres Italiens sommes tous rusés et soupçonneux par nature. Regardez-moi donc, s’il vous plaît, comme ne valant pas mieux que le reste de ma race. Je suis un Italien rusé, un soupçonneux Italien. Vous aviez déjà cette idée de moi, n’est-il pas vrai, chère lady ?… Eh bien ! ma ruse, mes soupçons me poussent à trouver peu convenable que madame Fosco serve de témoin à lady Glyde, lorsque je suis moi-même appelé à jouer ce rôle.

— Cette objection n’a pas l’ombre de raison, interrompit sir Percival. Je me tue à lui expliquer que les lois anglaises autorisent madame Fosco à garantir, en même temps que son mari, l’authenticité de nos signatures.

— Je l’admets, reprit le comte. Les lois anglaises disent « oui », — mais la conscience de Fosco dit « non ». — Il avait, en affirmant ceci, appliqué sa main large et grasse sur le devant de sa blouse et, avec un salut solennel, semblait vouloir nous présenter à tous sa conscience comme une glorieuse addition au personnel de l’assemblée… Ce que peut être le document que lady Glyde est sur le point de signer, continua-t-il, je ne le sais, ni ne désire le savoir. Voici tout ce que je dis : Il peut se présenter dans l’avenir telles circonstances qui obli-