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vies du nom et de l’adresse de ce négociant de Portland-Place, chez lequel Pesca professait l’italien ; — et c’est ainsi que finissait la note ou « mémorandum. »

L’engagement qui m’était ainsi offert avait, certes, ses côtés attrayants. Selon toute apparence, mon emploi serait à la fois facile et agréable ; on me le proposait en automne, c’est-à-dire à ce moment de l’année où j’avais le moins d’occupations ; le salaire, si j’en jugeais par mon expérience personnelle, était d’une libéralité surprenante. Je me disais tout ceci, je sentais que je devais m’estimer heureux si je parvenais à m’assurer cette mission de confiance, — et pourtant, à peine avais-je lu le « mémorandum, » que je sentis en moi une inexplicable répugnance à faire un pas de plus dans cette voie. Jamais, à aucune époque de mon passé professionnel, je n’avais vu mon devoir et mes penchants se mettre en lutte d’une manière aussi pénible et aussi difficile à expliquer.

— Oh ! Walter, votre père n’a jamais eu pareille chance ! me dit ma mère en me rendant la note qu’elle venait de parcourir à son tour.

— Se lier avec des gens si distingués ! fit remarquer Sarah, se redressant sur sa chaise, et se trouver avec eux, tout d’abord, dans de telles conditions d’égalité !…

— Sans doute, sans doute ; les conditions, à tous égards, sont assez séduisantes, répliquai-je avec impatience. Mais, avant d’envoyer mes « attestations », comme ils disent, je voudrais un peu réfléchir.

— Réfléchir ! s’écria ma mère. Y pensez-vous, mon enfant ?

— Réfléchir ! répéta ma sœur, faisant écho en de telles circonstances, voilà quelque chose de bizarre !

— Réfléchir ! s’écria le professeur, comme s’il eût fait sa partie dans un « canon… » Réfléchir à quoi ? répondez ! Ne vous plaigniez-vous pas dernièrement de votre santé ?… Ne réclamiez-vous pas à grands cris l’air de la campagne ? Eh bien ! voici dans votre main un papier qui vous offre, à pleine poitrine et pour quatre mois, ces brises rafraîchissantes dont un souffle, disiez-vous, suffirait pour vous ranimer. Est-ce vrai, cela ? voyons, répon-