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la route, bien aérée et toujours sèche, qui conduit du côté de Todd’s-Corner. Après une demi-heure de marche, j’ai vu, à ma grande surprise, arriver vers moi sir Percival, qui semblait venir de la ferme. Il allait d’un bon pas, faisant siffler sa canne en l’air, la tête haute comme d’habitude, et sa veste de chasse ouverte au vent. Quand nous nous rencontrâmes, il n’attendit pas les questions que j’allais lui adresser ; il me dit immédiatement qu’il était allé à la ferme, s’informer auprès de master ou mistress Todd’s si, depuis sa dernière visite à Limmeridge, l’un ou l’autre n’avait reçu aucune nouvelle d’Anne Catherick.

— Naturellement, dis-je, vous avez appris qu’ils n’en ont pas entendu parler.

— En effet, répondit-il ; et je commence à craindre sérieusement que nous n’ayons perdu les traces de cette femme. Pourriez-vous savoir, continua-t-il, me regardant au visage avec une attention particulière, si cet artiste, — monsieur Hartright, — est en état de nous donner quelques autres renseignements ?

— Depuis qu’il a quitté le Cumberland, répondis-je, il ne l’a point vue ; il n’a rien su de ce qu’elle devenait.

— Voilà qui est triste, dit sir Percival, dont le langage exprimait le désappointement, et qui, en même temps, par un contraste assez bizarre, avait l’air d’un homme qu’on tire de peine… Il est impossible de dire à quels malheurs aura échappé cette infortunée créature. Je suis, pour ma part, contrarié au-delà de toute expression de n’avoir pu, quelques efforts que j’aie faits pour cela, lui rendre les soins et la protection dont elle a un si urgent besoin…

Cette fois, il avait l’air contrarié pour tout de bon. Je lui adressai quelques mots de sympathie, et nous traitâmes ensuite d’autres sujets, tout en revenant ensemble au château. À coup sûr, cette rencontre de hasard, en pleine campagne, m’a montré son caractère sous un jour très-favorable. À coup sûr, il faisait preuve d’une singulière bienveillance et de bien peu d’égoïsme, en s’occupant ainsi d’Anne Catherick, presque à la veille d’être