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Pas grand’chose à noter dans les deux semaines que nous venons de traverser. Les ajustements sont presque tous terminés, et on nous a envoyé de Londres les malles neuves destinées au voyage. La pauvre Laura ne me quitte guère de tout le jour ; et, la nuit dernière, comme nous ne pouvions dormir ni l’une ni l’autre, elle est venue se glisser dans mon lit pour y causer plus à l’aise. — « Je vais sitôt vous perdre, Marian ! disait-elle ; il faut bien profiter de vous pendant que je vous ai encore. »

On doit les marier à l’église de Limmeridge ; et, grâces au ciel, pas un de nos voisins ne sera invité à la cérémonie. Nous n’aurons que notre vieil ami M. Arnold, lequel viendra de Polesdean pour servir de père à la mariée ; l’oncle de Laura est d’une santé beaucoup trop fragile pour se hasarder à mettre le nez dehors, dans une saison aussi rude qu’elle l’est actuellement. Si je n’étais pas bien déterminée à n’envisager désormais que les côtés brillants de notre avenir, l’absence de tout homme de la famille, en ce moment décisif de la vie de Laura, me semblerait de mauvais augure et réveillerait mes inquiétudes. Mais j’en ai fini avec ces méfiances, ces pressentiments sinistres, — c’est-à-dire que j’ai renoncé à les consigner, les unes ou les autres, dans les pages de ce « Journal. »

Sir Percival doit arriver demain. Il proposait, dans le cas où nous tiendrions aux rigueurs de l’étiquette, d’écrire pour demander à notre ministre qu’il voulût bien le loger au prieuré pendant la courte période durant laquelle, avant la noce, il habitera Limmeridge. Dans les circonstances présentes, ni M. Fairlie, ni moi, n’avons jugé le moins du monde nécessaires tant de vaines formes et de cérémonies gênantes. Au fond de nos marécages déserts, et dans cette grande maison isolée, nous pouvons bien nous croire hors du rayon où les gens civilisés surchargent leur vie de trivialités convenues. J’ai donc écrit à sir Percival pour lui rendre grâces de son offre courtoise, et pour le prier de vouloir bien reprendre possession, à Limmeridge-House, des appartements qu’il y a toujours occupés.