Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lis, le sentier par lequel nous étions arrivés. Miss Halcombe, il est vrai, n’avait plus rien d’essentiel à me dire ; mais je n’avais pas épuisé, moi, l’entretien que je voulais avoir avec elle. Dès l’instant où j’avais découvert que le visiteur attendu à Limmeridge était le futur de miss Fairlie, une amère curiosité, une singulière ardeur de jalousie me poussaient à savoir qui cet homme pouvait être. L’avenir ne m’offrirait sans doute pas une occasion plus favorable de poser cette question ; aussi la risquai-je pendant notre retour au château.

— Puisque vous avez la bonté de dire que nous nous sommes compris, miss Halcombe, repris-je ; puisque vous êtes certaine que j’apprécie votre indulgence, et que j’entends régler ma conduite d’après vos désirs, puis-je me hasarder… — (J’hésitais, arrivé là ; j’avais pris sur moi de penser à lui, mais il me semblait bien autrement pénible de parler de lui, en cette qualité de fiancé) — qui est le gentleman engagé à miss Fairlie ?

Le message qu’elle avait reçu de sa sœur préoccupait évidemment son esprit ; elle répondit, à mots pressés, et comme distraite :

— C’est un riche propriétaire dont les biens sont dans le Hampshire…

Le Hampshire !… Anne Catherick y était née. Encore, et toujours, la Femme en blanc !… C’était une véritable fatalité.

— Et son nom ? ajoutai-je, avec autant de calme et d’indifférence que j’en pus affecter.

— Sir Percival Glyde.

« Sir » — Sir Percival[1] ! La question d’Anne Catherick, cette soupçonneuse question, concernant les « baronnets » que je pouvais compter parmi mes connaissances, — venait à peine de quitter ma pensée, par suite du retour de miss Halcombe, que la réponse même de cette dernière l’y ramenait subitement. Je m’arrêtai sur place et la regardai.

  1. La particule « sir » est l’apanage exclusif de la chevalerie anglaise.