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chute malencontreuse l’avait-elle dégoûtée de lui ? Rien, il est vrai, n’avait motivé cet accident ; mais si elle eût connu Garnier, elle aurait su que bien rarement les innombrables accidens qui lui arrivaient étaient motivés.

Le hasard, ce dieu des audacieux, semblait faire jouer sans cesse autour de lui, comme autant de farfadets remplis de malice, les déboires les plus ironiques. Qu’on me permette d’en citer un exemple. Un jour, Garnier, voulant écrire une lettre, laissa tomber sa plume et marcha dessus. Il en prit une neuve, et se coupa au doigt en la taillant. Il ouvrit un tiroir pour prendre du taffetas d’Angleterre : le tiroir résista ; puis, cédant tout-à-coup avec violence, il renversa toute son encre rouge sur sa provision de papier blanc. L’encre gagnait de plus en plus, et, se divisant en mille canaux, dessinait des arabesques qui menaçaient de s’étendre jusqu’à son pantalon neuf. Cependant Garnier, sa plume entre les dents, n’osait porter sur rien ses doigts ensanglantés ; il donna un grand coup de coude dans le tiroir, et dans la douleur que lui causa la clef qu’il avait heurtée, il fit aussitôt un soubresaut en arrière. Sa chaise manqua des quatre pieds ; ce fut alors que son paravent, placé derrière lui, perdit équilibre, et, s’abattant avec une majestueuse lenteur, couvrit de ses ailes déployées la table, la chaise, la chandelle et Garnier.

Ceci paraîtra peut-être puéril au lecteur ; c’étaient