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route, que Garnier faillit s’y rendre en tombant à la renverse. Il ne s’entêta pas, et élevant les guides, il partit comme un trait sur les traces de la robe orange. Il fut bientôt à côté de la voiture, et de la porte Maillot à la rue de Rivoli, ce ne furent qu’œillades meurtrières et soupirs à la dérobée.

Garnier était bien fait de sa personne, petit et joufflu. Une immense forêt de cheveux noirs, dont le désordre annonçait un homme supérieur, lui avait, en dépit de ses prétentions byroniennes, mérité le surnom de Werther crépu. Tant que le cheval de trois étoiles pensait à ses affaires en marchant, Garnier se laissait aller avec assez d’aisance. Son unique habit, par la grande habitude qu’ils avaient de vivre ensemble, avait fini par s’accommoder à sa taille ; d’autre part, la pluie augmentait le mérite de sa démarche.

La dame orange, de son côté, était sèche et délibérée ; elle avait de la bouche jusqu’aux oreilles, et du front jusqu’à l’occiput : bien faite d’ailleurs, d’une grande et belle taille ; une de ces beautés parisiennes qui ont leur éclat au bal, et dont quelqu’un a dit qu’elles devraient aller aux Tuileries avec un bougeoir à la main.

Garnier lui revint à la tête au moment où, en rentrant chez elle, sa femme-de-chambre lui apporta ses pantoufles ; elle y pensa jusqu’à six heures un quart, heure où elle fut dîner en ville.