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— LA PREMIÈRE RIDE. —

le cœur d’une épouse que la mort pouvait seule séparer du compagnon de sa vie.

À la même époque je perdis mon père, et, durant ces longs deuils, je me retirai à la campagne ; cependant, quand le premier moment d’abattement et de chagrin fut passé, je jetai, il faut l’avouer, un regard moins sombre sur mon avenir. Ma beauté, je le croyais du moins, devait briller d’un nouvel éclat par la vie paisible des champs ; j’étais riche, et rien ne m’empêchait de connaître enfin le bonheur que j’avais long-temps rêvé et redouté, le bonheur d’aimer et d’être aimée passionnément.

Ce fut dans ces dispositions que je rentrai dans le monde. Mais je trouvai que deux ans avaient étrangement changé la société ; et elle ne me semblait plus ni si attrayante, ni si empressée. Tous les plaisirs ont besoin de l’empire de l’habitude, et ces conversations qui m’avaient tant amusée autrefois, me semblaient dénuées d’in-