Page:Collectif - Heures du soir 03.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
288
— LE LIVRE DES FEMMES. —

Telle était donc ma vie, à moi née sensible, même romanesque, moi à qui l’éducation avait fait un caractère tout différent de celui que m’avait donné la nature. On me citait comme une dangereuse coquette, et pourtant mon âme était capable des plus profondes émotions ; mais plus je me sentais forte pour aimer, plus je sentais tout l’empire qu’on pouvait prendre sur moi, plus aussi je cherchais à repousser le charme que j’aurais trouvé à y céder.

Il faut l’avouer cependant, ma vertu n’était point assise sur des principes sévères, car jamais on ne m’avait appris que c’était un crime d’imprimer la honte au nom de son époux. Mais j’entendais la société jeter le blâme et le ridicule sur les femmes faibles ; j’en voyais d’autres payer de la perte de leur fortune et de leur considération le fragile bonheur qu’elles avaient dû à l’amour, et, je dois l’avouer, effrayée d’un tel sort, je restai sage plutôt par