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de notre temps veut se représenter l’intérieur de l’âme de personnes pour qui la question de l’au delà était la grande, l’unique affaire, il est bon, disons mieux, il est nécessaire que pendant toute une période de sa vie il ait éprouvé naïvement, sincèrement, les profondes angoisses du problème de la mort et de la destinée. Il ne me semble pas probable qu’un savant élevé, comme Stuart Mill le fut par exemple, sans aucun enseignement de piété, puisse jamais se former une notion très exacte des exigences religieuses d’où les dogmes sont issus, tant est exacte cette conception maîtresse du Wilhelm Meister de Gœthe : que toute erreur, pourvu qu’elle soit de bonne foi, profite à l’esprit. « Le devoir de celui qui instruit les hommes n’est pas de les préserver de l’erreur, mais de guider celui qui s’égare, de lui laisser vider la coupe de l’erreur. C’est là la sagesse du maître. Celui qui ne fait que goûter à l’erreur la conserve longtemps avec lui, il la regarde comme un rare trésor ; mais celui qui a épuisé la coupe connaît l’erreur, s’il n’est pas un insensé… » J’imagine qu’aujourd’hui qu’il a rompu à jamais avec son christianisme d’antan, M. Ernest Renan doit parfois se rappeler la