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— C’est épatant ! Ma tante ne t’avait pourtant pas appris. C’est difficile de satisfaire un mari gourmand ?

Minne se rengorge :

— J’ai appris toute seule. Les sauces sont démodées, les entremets compliqués n’ont plus de succès, les légumes manquent en cette saison, si je ne me donne pas un peu de peine, on mangera aussi mal ici que chez les Chaulieu.

Elle joue à la madame, croise ses mains et professe sur les denrées d’hiver. Antoine jubile et l’admire, à demi caché derrière son Matin… Minne perçoit le tremblement insolite du journal et proteste.

— C’est trop fort ! Pourquoi ris-tu ?

— Pour rien, ma poupée. Je t’aime trop…

Il se lève et vient baiser tendrement les beaux cheveux brillants, bouffants sur le front, tordus sur la nuque, en catogan noué d’un velours noir. Minne boude un instant, sans colère, la tête appuyée au flanc de son mari…