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Claudine m’humilie d’un regard traînant par-dessus l’épaule :

— Êtes-vous gourde, Annie ! Pardon, je voulais dire seulement : « J’en suis certaine ». Assise, Fanchette ! Regardez, vous, l’incrédule, et écoutez. C’est inédit. C’est superbe.

POUR LE CHAT

Chat, monarque furtif, mystérieux et sage,
Sont-ils dignes, nos doigts encombrés d’anneaux lourds.
De votre majesté blanche et noire, au visage
De pierrerie et de velours ?

Votre grâce s’enroule ainsi qu’une chenille ;
Vous êtes, au toucher, plus bridant qu’un oiseau,
Et, seule nudité, votre petit museau
Est une fleur fraîche qui brille.

Vous avez, quoique rubanné comme un sachet,
De la férocité plein vos oreilles noires,
Quand vous daignez crisper vos pattes péremptoires
Sur quelque inattendu hochet.

En votre petitesse apaisée ou qui gronde
Râle la royauté des grands tigres sereins ;
Comme un sombre trésor vous cachez dans vos reins
Toute la volupté du monde…