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agitation froide qui les fait charmantes une minute et agaçantes au bout d’un quart d’heure. Ce sont de jolies créatures. Même sans les entendre, on les devine d’une race faible et nerveuse, méprisantes et sans volonté durable, si différentes, par exemple, de cette Anglaise rousse et calme, qu’elles épluchent du haut en bas et qui les ignore, assise sur un degré du perron, montrant ses grands pieds mal chaussés avec une tranquillité pudique… À mon tour, elles me regardent et chuchotent.

La plus renseignée explique : « Je crois que c’est une jeune veuve, qui vient ici à chaque festival pour un ténor de la Maison… » Je souris à cette imagination agile et calomniatrice, et m’écarte vers Marthe qui, animée, blanche et mauve, appuyée à l’ombrelle haute, parade dans sa grâce la plus trianon, reconnaît des Parisiens, lance des bonjours, inventorie des chapeaux… Et toujours cet odieux Maugis qui frôle sa jupe ! Je préfère rebrousser chemin vers Claudine.