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l’escalier. Boiseries blanches, meubles blancs et légers, coussins blancs à fleurs claires, cheminée blanche. Grand Dieu, il n’y a pas un seul coin sombre ! Moi qui ne me sens à l’aise et en sécurité que dans les chambres obscures, les bois foncés, les fauteuils lourds et profonds ! Ce « quinze-seize » blanc des fenêtres, il fait un bruit de zinc froissé…

Entrée de ma tante Cœur. Elle est ahurie, mais bien sympathique. Et comme elle se complaît dans sa ressemblance auguste ! Elle a, de l’impératrice Eugénie, le nez distingué, les bandeaux lourds qui grisonnent, le sourire un peu tombant. Pour rien au monde, elle ne quitterait son chignon bas (et postiche), ni la jupe à fronces en soie qui ballonne, ni la petite écharpe de dentelle qui badine (hé hé !) sur ses épaules, tombantes comme son sourire. Ma Tante, ce que votre Majesté d’avant 1870 jure avec ce salon en crème fouettée du plus pur dix-neuf cent !

Mais elle est charmante, ma tante Cœur ! Elle parle un français châtié qui m’intimide, s’exclame sur notre installation imprévue — ah ! pour imprévue, elle l’est ! — et n’en finit